Le paradoxe doit être fixé : même si elle ne cesse de s’aiguiser, l’urgence écologique reste adossée, au moins dans la conscience opérationnelle que l’on en a, à une temporalité longue et largement abstraite. Contrairement aux catastrophes à effets lisibles et immédiats (l’actuelle pandémie en est un exemple), la crise écologique se déploie aux lisières de nos acuités, échappe ainsi aux impératifs de calendriers (politique notamment) et renâcle à s’articuler avec le concept d’urgence vitale, conçue à l’échelle d’une vie humaine. La juste clairvoyance qu’elle doit éveiller pour tous appelle sans doute une mise en récit, sensible, recevable et percutante. Dans la création de celle-ci, l’artiste a certainement son mot à dire. Ici et là, il a commencé à s’emparer du sujet. Face à une crise environnementale dont la réalité et la temporalité restent difficilement appréhendables à l’échelle des urgences humaines, le récit artistique est-il porteur d’un enjeu spécifique ? De quels types de récits les artistes se sont-ils emparé sur ces sujets ? Comment, en complément du discours scientifique dont l’écologie est largement tributaire, le récit artistique peut-il rendre plus sensible la crise écologique ? Et au fait, de quoi parle-t-on en évoquant cette notion de « récit » ? Pourrait-il contribuer à l’émergence d’une écologie sensible ? D’une esthétique de l’écologie ?